L’essence de la manifestation
- Ed.P.U.F.(1963)
PREFACE
INTRODUCTION : Le problème de
l’ego et les présuppositions fondamentales de l’ontologie
I - ELUCIDATION DU CONCEPT DE PHENOMENE
: LE MONISME ONTOLOGIQUE
II - TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
III - LA STRUCTURE INTERNE DE
L’IMMANENCE ET LE PROBLEME DE SA DETERMINATION PHENOMENOLOGIQUE
: L’INVISIBLE
IV- INTERPRETATION ONTOLOGIQUE FONDAMENTALE
DE L’ESSENCE ORIGINAIRE DE LA REVELATION COMMME AFFECTIVITE
INDEX
SECTION
II : TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
Cette section importante reprend l’analyse
de la phénoménalité pure et dégage son essence
véritable.
Dans la première partie, la discussion des présupposés
du monisme se resserre autour de la question de la représentation,
puis de la réceptivité en tant qu’œuvre de la
transcendance, avec ce constat : l’irréalité de la
représentation dans les grands systèmes qui ont touché
au problème de la révélation entraîne la dénaturation
de la réceptivité par la transcendance ; vouée à
sa limitation, la transcendance est incapable de se fonder elle-même,
par conséquent de livrer l’essence de la manifestation.
§ 17 Le caractère originaire de la manifestation de
l’être et le problème de la conscience naturelle :
on montre d’abord que la manifestation de l’être
est originaire et que la conscience naturelle ne peut se rapporter à
l’étant que si l’être lui est d’ores et
déjà manifeste. Mais cette thèse heideggérienne
se retourne contre Heidegger parce qu’elle suppose que la manifestation
de l’être est originaire, indépendante du « renversement
» de la conscience décrit dans Holzwege et d’une manière
générale de tout progrès de la conscience, lequel
présuppose constamment pour s’accomplir cette manifestation
originaire de l’être. Car la conscience ne peut oublier
l’être qui constitue son essence, ce qui contraint de reconnaître
que tout « renversement » faisant intervenir la représentation
est donc inutile.
§ 18 Le concept de représentation : structure ontologique
et compréhension existentielle
Il est nécessaire de distinguer d’une part la structure
ontologique universelle de la représentation – ou compréhension
ontologique de l’être – et d’autre part la représentation
entendue comme un acte déterminé de l’existence, comme
« une compréhension existentielle » dans laquelle se
réalise chaque fois une compréhension existentielle. La
compréhension ontologique de l’être est radicalement
indépendante à l’égard de toute compréhension
existentielle. Leur distinction permet seule de lever l’ambiguïté
des thèses soutenues par Heidegger dans son commentaire de Hegel
et selon lesquelles, par exemple, « le savoir naturel prend garde
et ne prend pas garde à l’être », « est
et n’est pas ontologique » etc. L’équivoque
doit être levée : le savoir naturel est ontologique. Ce que
l’existence est en soi est indépendant de la façon
dont l’existence se représente elle-même. La compréhension
qu’elle a d’elle-même trouve son fondement dans la compréhension
ontologique de l’être, dont le savoir philosophique n’est
qu’une thématisation par la représentation, bien souvent
mal conduite.
§ 19 L’être pour soi au point de vue ontologique
et au point de vue existentiel. Conscience et vérité.
La distinction entre la compréhension ontologique de l’être
et la compréhension existentielle aboutit à l’institution
d’une opposition radicale entre l’être pour soi au point
de vue ontologique et l’être pour soi au point de vue existentiel.
Nécessité de fonder l’analyse de l’existence
telle qu’elle est en soi et non telle qu’elle se comprend.
C’est ce que détecte Hegel quand il décrit la conscience
malheureuse du judaïsme comme une existence qui laisse l’essence
en dehors d’elle – alors que cette essence est immanente à
l’existence. Il y a opposition entre le pour soi de l’essence
et le pour soi existentiel, résultat d’une saisie de sa propre
essence. Or la séparation de l’essence et de l’existence
dans la représentation est irréelle, non parce qu’elle
est fausse mais parce qu’elle se produit à l’intérieur
de la représentation. Pour cette raison il en va de même
dans le savoir philosophique. Voilà pourquoi, dans La phénoménologie
de l’esprit qui s’en tient à l’existence
telle qu’elle est pour la conscience qui se la représente,
on n’a plus affaire à la réalité mais à
une représentation de l’essence de la conscience. Or l’esprit
est comme tel la manifestation, un élément originaire pur.
La vérité n’est pas extérieure, transcendante,
« inconnue » à la conscience.
§ 20 Critique du concept hégélien de l’expérience
(dans La phénoménologie de l’esprit)
Inutilité de la distinction hégélienne entre l’expérience
de la conscience naturelle qui poserait la vérité comme
hors de soi et la représentation d’une conscience qui se
comprend comme la vérité de l’étant. Car la
conscience ne devient pour soi, dans sa représentation, la vérité
de l’étant, que parce qu’elle est déjà
pour soi cette vérité. La représentation n’est
qu’un résultat, non le principe de l’expérience,
en dépit de ce qu’affirme Hegel. C’est de plus passer
de la réalité à l’irréalité,
avec cette conséquence : la confusion de la réalité
avec la représentation fait que ce qui ne s’étale
pas devant la conscience ne pourrait se passer que « derrière
» : l’intellectualisme de Hegel ou de Freud est une doctrine
de l’inconscient.
§ 21 La réaffirmation du caractère originaire
de la manifestation de l’être dans la mise en lumière
de son caractère non historique
Il s’agit d’affirmer contre Hegel et Heidegger le caractère
non historique de la manifestation de l’être.
Lorsque Hegel dit « l’absolu est Résultat »,
il désigne en fait la représentation de l’absolu dans
le savoir philosophique. La représentation, c’est-à-dire
la vérité que l’existence se représente à
son propre sujet est historique. Mais la vérité est là
avant l’accomplissement de cette histoire. Celle-ci n’est
donc pas « le mouvement par lequel advient l’apparaître
», comme dit Heidegger. Car le savoir transcendantal n’est
pas à acquérir, il est a priori. Il est donc faux de dire
comme Heidegger après Hegel que la représentation appartient
à l’essence de l’expérience : c’est confondre
le pouvoir de la représentation avec le fondement ontologique.
Ce que la conscience n’est pas encore, c’est la science, l’élément
idéal qui a besoin de la réalité et ne la produit
pas.
§ 22 L’interprétation de l’essence de
la phénoménalité à l’intérieur
des présuppositions fondamentales du monisme et le problème
de la réceptivité. Signification ontologique de ce problème
Il s’agit de savoir comment est possible la manifestation originaire
de l’être, c'est-à-dire selon le monisme, la manifestation
de l’horizon pur à l’intérieur duquel se manifeste
l’étant. L’horizon est ce que l’essence s’opposerait
à elle-même, mais cette opposition présuppose la réception
de ce qui est opposé, réception qui est identiquement sa
manifestation. Le problème de l’essence de la manifestation
se concentre alors sur celui de la réceptivité compris dans
sa signification ontologique pure – signification double :
à cause de l’appartenance à l’essence de ce
qu’elle reçoit, non pas l’étant mais le milieu
phénoménologique dans lequel celui-ci se montre ; en ce
qu’elle assure la cohérence interne de l’essence qui
s’objective sous la forme de l’horizon qu’elle s’oppose.
La difficulté vient du mélange ontique-ontologique dans
l’unité indissoluble de l’essence. Car la réception
concerne l’étant fini comme tel puisque intuitionné
dans un horizon fini de l’être. Aussi longtemps que l’essence
de la manifestation est interprétée comme celle de la transcendance,
en effet, la phénoménalité qu’elle promeut,
on l’a vu, doit être finie. Heidegger dans son commentaire
de Kant suggérait pour résoudre le problème la présence
antérieure d’un « connaître non réceptif
[ ] une sorte d’intuition créatrice » - ce qui ne change
rien à la limitation de l’intuition.
§ 23 La possibilité interne de la réceptivité
de l’être et la problématique du schématisme
§ 24 La réaffirmation du caractère central
de la réceptivité et l’interprétation ontologique
du temps comme auto-affection
La question de la possibilité interne de cette réceptivité
n’est pas résolue par le schématisme kantien qui en
demande la solution tour à tour à l’imagination transcendantale
et à l’intuition et se meut ainsi dans un cercle. De même
le temps originaire de la transcendance n’assurerait la réception
de l’horizon du temps pur qu’il projette qu’en tant
qu’il est compris comme intuitif, alors que la transcendance est
pensée comme condition de l’horizon – autre cercle.
Ces deux § contiennent une critique serrée de la reprise des
thèses kantiennes par Heidegger qui en renforce les pétitions
de principes. Ce qui ressort est le caractère ontologique central
de la réceptivité qui ne reçoit pas de vraie solution.
Toutefois le mérite de cette problématique du temps est
de confirmer la tâche d’une élucidation de l’essence
de la réceptivité.
§ 25 L’élucidation de l’essence de la
réceptivité et le problème de la détermination
phénoménologique de la réalité originaire
de la transcendance.
Le problème de la réceptivité compris dans sa
signification radicale ne concerne pas la réceptivité de
l’horizon que s’oppose l’essence dans l’acte de
la transcendance, réceptivité qui est précisément
l’œuvre de la transcendance. Il est celui de la réceptivité
elle-même, c’est-à-dire de sa manifestation originelle.
La réceptivité de la transcendance elle-même n’est
pas l’œuvre de la transcendance. La manifestation originelle
de la transcendance, sa réalité, n’est pas celle de
l’horizon et ne peut être confondue avec elle. Parce que la
transcendance n’assure pas elle-même sa propre manifestation,
elle n’est pas le fondement, elle n’est pas l’essence.
Ceci vaut pour les § 25 ,26 ,27.
§ 26 L’intervention de l’homme dans la problématique
de la réceptivité et la non appartenance des conditions
originaires de la vérité au milieu absolu de l’extériorité
Ce § décline d’une autre façon la problématique
de la transcendance dans le monisme. Afin de s’opposer à
l’idéalisme, la philosophie de l’être s’interdit
de chercher dans la subjectivité humaine le principe de l’intelligibilité
des phénomènes. L’extériorité du milieu
ontologique où elle situe la vérité fait que l’homme
n’est plus l’origine de la lumière mais ce qui est
éclairé par elle. Y a-t-il malgré tout réception
de la vérité pour lui ? Heidegger estime que la vérité
de l’être « serait reliée d’une manière
privilégiée à l’essence de l’homme »
- c’est-à-dire sur le fond en lui de l’essence de la
manifestation. Mais comment cette essence se reçoit-elle elle-même,
condition pour que l’homme, être séparé, la
reçoive ? La solution, pour lui rendre le pouvoir dont on l’a
dépouillé, serait la réceptivité comme possibilité
ultime de la vérité. Car la séparation de la vérité
constitue la finitude humaine, son obscurité. Telle était
déjà la réponse de Malebranche à l’impossibilité
de fonder l’essence de la vérité dans une perspective
religieuse.
§ 27 La compréhension du caractère central
de la problématique de la réceptivité et la mise
en question des présuppositions ontologiques ultimes du monisme
§ 28 Le caractère abstrait de l’essence de la
manifestation à l’intérieur des présuppositions
ontologiques du monisme et le problème de l’édification
d’une philosophie du fondement
Caractère abstrait de la philosophie de la transcendance (telle
qu’elle apparaît dans l’exagération sartrienne)
§ 29 Mise en évidence du motif ontologique de l’impuissance
de la problématique à édifier une phénoménologie
du fondement et à donner un contenu à l’idée
de la structure formelle de l’autonomie
Cette autonomie réside en ce que l’essence est agissante
si elle se montre d’elle-même, sans intermédiaire –
quand l’acte d’apparaître apparaît comme fondement
de sa propre manifestation. Dans le monisme, le statut de l’horizon
dissimule l’absence du mode originaire de la révélation
de la transcendance. Apparaître perd son sens si la manifestation
de l’être s’effectue sous la forme d’un horizon.
Or pourquoi la transcendance se dérobe-t-elle ? Parce qu’elle
ne peut se montrer. Elle est impuissante à assurer sa propre manifestation.
Elle n’est que pure supposition, abstraction. Sa réalité
ne réside pas en elle, mais dans l’immanence.
Distance, opposition, objectivation sous forme de représentation,
intentionnalité ont été rejetées. Mais sur
le terrain préparé par les dernières critiques et
qui cessent d’avoir une signification négative – constat
de l’impuissance de la transcendance qui n’est pas son propre
fondement, absence de solution quant à la réceptivité
- s’opère le retournement : l’immanence constitue l’essence
de la transcendance. Ce rapport de fondation qui doit encore lever des
objections possibles, sera mieux compris dans cette seconde partie (§
30, 32, 33 - 36) si on se réfère pour des indications plus
concrètes à Philosophie et phénoménologie
du corps.
§ 30 Détermination ontologique de
l’essence originaire de la révélation comme immanence.
Contenu immanent et contenu transcendant
L’essence de la réceptivité originaire qui assure
la réception de la transcendance elle-même est l’immanence,
l’acte d’atteindre son contenu et de se dépasser vers
lui, de telle manière que la réalité ontologique
constituée par ce contenu ne lui est en aucune façon transcendante
et ne se trouve point posée devant lui à la façon
d’un horizon. Opposition du contenu immanent en un sens radical
(i. e. non husserlien) au contenu transcendant.
Ce que reçoit l’essence originaire de la réceptivité,
c’est elle-même. Recevoir un contenu, c’est être
affecté par lui. L’auto-affection est la structure constitutive
de l’essence originaire de la réceptivité. Il faut
donc parer cette objection : se proposer à soi-même sous
la forme d’un horizon n’est-ce point la manière dont
l’essence s’affecte elle-même, l’essence de l’auto-affection
?
§ 31 L’ambiguïté fondamentale du concept
de l’auto-affection. Auto-affection et affection par soi
Il convient de distinguer l’affection par l’essence de
sa propre réalité, telle qu’elle s’accomplit
dans l’immanence et, d’autre part, l’affection de l’essence
par un contenu étranger, telle qu’elle s’accomplit
dans la transcendance. La première affection définit la
sphère ontologique de la réalité, la seconde, celle
de l’irréalité ontologique ou idéalité.
Ainsi apparaît à la lumière de cette distinction essentielle
l’ambiguïté fondamentale que revêt le concept
de l’auto-affection chez Kant et chez Heidegger.
§ 32 Immanence et transcendance
Loin de constituer un paradoxe, l’exclusion de la transcendance
hors de la structure interne de l’essence qui la reçoit définit
la possibilité ontologique de la transcendance elle-même.
L’immanence est l’essence de la transcendance, parce qu’elle
la révèle, et la révèle de cette manière
déterminée qui la rend possible dans son essence.
Alors que dans le monisme l’horizon ne peut être le mode de
réceptivité pour la transcendance, quand est reconnue la
subordination de la réalité à l’essence du
pouvoir qui la reçoit, il n’y a ni devant, ni distance mais
identification avec l’essence. La réalité ontologique
de la transcendance n’est plus définie en son essence par
l’extériorité. La révélation de la transcendance
est une révélation immanente et elle n’a plus rien
de transcendant, elle n’est plus représentation.
§ 33 L’interprétation ontologique de l’essence
de la transcendance comme immanence et la possibilité interne du
dépassement
Cette interprétation fonde la possibilité interne du
rapport transcendantal de l’être-au-monde, de « l’acte
de se rapporter à » comme « acte de s’apporter
soi-même auprès de ».
Le « se rapporter à » rend possible la transcendance
mais ne trouve pas sa condition en elle. Le maintien près de soi
de ce mouvement est sa révélation originaire à lui-même,
l’immanence par laquelle la transcendance est constituée
en son essence comme acte de « se rapporter à » sans
sortir hors de soi. La transcendance comme rapport est un dépassement
qui ne se dépasse pas soi-même, c’est-à-dire
qui ne se manifeste jamais dans le monde. Le rapport transcendance-immanence
est un rapport de fondation, il faut les saisir dans l’identité
de leur extension. La transcendance n’est ni l’étant
ni le monde, ce qui ferait de l’immanence un étant comme
dans la philosophie de l’existence de Merleau-Ponty.
§ 34 Conscience du monde et conscience sans monde
L’appartenance du monde à l’imagination ne signifie
nullement son appartenance à la conscience de l’imagination.
Bien au contraire la conscience de l’imagination n’est effective
que sur le fond en elle d’une conscience à laquelle le monde
n’appartient pas. Ainsi est-il répondu à la question
de Husserl concernant la possibilité d’une conscience sans
monde : celle-ci constitue l’essence de la conscience comme telle.
Mise en évidence d’une sphère d’existence sans
transcendance comme sphère d’existence de la transcendance
elle-même.
La transcendance n’est pas dans le monde, i.e. elle ne survient
pas comme cela même qui est le monde, elle est le mouvement qui
se tient toujours en deçà du monde, bien qu’il se
rapporte à celui-ci. La réalité du mouvement est
l’essence de l’imagination et la conscience de l’imagination,
comme la réalité du mouvement, ne réside pas dans
l’objectivité. Dans la manifestation de l’imagination
réside ce qui rend possible la phénoménalité
du monde.
§ 35 La cohérence de la structure interne de l’essence
L’interprétation ontologique de l’immanence comme
constituant l’essence de la transcendance exhibe la possibilité
ultime de la cohérence de la structure interne de l’essence
de la manifestation et fournit le concept le plus originaire de l’unité
comme unité immanente dans son opposition au concept de l’unité
tel qu’il est compris dans la philosophie de la transcendance (Heidegger)
comme unité de la spontanéité et de la réceptivité
de la transcendance à l’égard de l’horizon aussi
bien que comme unité de l’essence et du milieu pur qu’elle
imagine.
§ 36 La signification ontologique essentielle du concept
d’immanence : l’immédiat
L’immanence ayant été comprise comme l’ultime
fondement de toute manifestation possible doit être étudiée
en elle-même. Ce qu’il faut entendre par le caractère
immanent de l’essence : non, selon la signification traditionnelle,
la simple immanence de l’essence à ses modes, mais ce qui
détermine la structure interne de l’immanence elle-même,
la possibilité intime de l’être. En quoi consiste celle-ci
; critique de l’idée de médiation ; le concept originel
de l’immédiat.
L’unité est l’œuvre interne de l’être
qui se suffit à lui-même et qui pour sa révélation
n’a pas besoin d’intermédiaire, c’est-à-dire
des modes de l’objectivation que sont représentation, opposition,
horizon, »monde ». L’immédiat est l’être
lui-même comme originairement donné à soi-même
dans l’immanence.
SECTION III : LA STRUCTURE
INTERNE DE L’IMMANENCE ET LE PROBLEME DE SA DETERMINATION PHENOMENOLOGIQUE
: L’INVISIBLE
§ 37 : La structure interne de l’immanence
Analyse de la structure interne de l’immanence et de ses déterminations
ontologiques fondamentales. L’essence comme ce qui ne renferme rien
d’autre, rien de transcendant, comme ce qui n’a aucun intérêt
à l’égard de soi, comme solitude, comme ce qui se
donne à soi-même dans la totalité de sa réalité,
comme étrangère à toute finitude, comme non-pouvoir
et comme non-liberté, comme passivité ontologique originelle
de l’être à l’égard de soi dans l’unité,
comme « absolu » et comme « origine ». L’essence
de la vie.
Après avoir répété les exclusions précédemment
établies et souligné le renversement qu’il effectue
– ni horizon, ni « monde », ni représentation,
ni sortie hors de soi - ce § décline les structures de l’immanence
et insiste sur l’aspect paradoxal de « l’indigence »
de l’essence qui est en réalité plénitude,
son autonomie, sa « passivité » à l’égard
de soi qui n’est que son expérience de soi, son absence de
pouvoir ou de liberté qui vient de ce que l’absolu se tient
au-delà de tout pouvoir etc.
§ 38 La structure interne de l’immanence et le problème
de sa compréhension comme révélation : Fichte
Le pressentiment de la structure interne de l’immanence et l’impuissance
à concevoir cette structure comme constitutive de l’essence
originelle de la révélation tels qu’ils se réalisent
historiquement chez Fichte.
Dans l’histoire de la philosophie, l’immanence a été
mal comprise, appliquée à l’étant (Merleau-Ponty),
ou quand Fichte, après avoir pressenti que l’existence est
ce qui ne peut se dépasser ni revenir sur soi pour se poser soi-même,
revient à l’erreur générale et fait intervenir
l’exigence de la représentation.
§ 39 Eckhart
La découverte historique essentielle de l’immanence chez
Maître Eckhart. Analyse de sa pensée. L’unité
de l’âme et de Dieu comme trouvant son fondement et sa signification
ontologique dans l’unité de Dieu lui-même et dans la
détermination de sa structure interne comme immanence radicale.
Signification de la critique des concepts « d’humilité
» et de « pauvreté », de l’opposition instituée
entre « Dieu » et la « Déité ».
M.H. fait une lecture philosophique de ce grand mystique médiéval
dont les propositions étonnantes décrivent le rapport de
l’être de l’ego à l’ontologie universelle,
telle qu’il interviendra dans son propre travail comme relation
entre l’auto-affection de l’Essence et l’auto-affection
de soi en raison de leur identité de structure, l’unité
existentielle de l’homme avec Dieu étant fondée sur
leur unité ontologique : « si je n’étais pas,
Dieu ne serait pas non plus », « je suis non né »,
dit Eckhart qui affirme l’unité de l’essence et sa
révélation comme immédiation spontanée.
§ 40 La présupposition ontologique fondamentale de la pensée
d’Eckhart et l’essence originelle du Logos
Interprétation par Eckhart de la structure interne de l’immanence
comme constituant l’essence originelle de la révélation.
La théorie du Logos originel et la division essentielle du concept
de phénoménalité.
Eckhart a compris que la vie est en elle-même révélation,
pouvoir d’intelligibilité spontané qu’il appelle
Raison vivante – entendant par là tout autre chose que la
faculté de compréhension rationnelle limitée à
son objet. Cette révélation est l’œuvre de l’absolu.
M.H. réfère d’autre part à sa propre conception
de la phénoménalité la division d’Eckhart,
« connaissance du matin », quand la créature est saisie
dans son être identique avec l’essence, et « connaissance
du soir » qui s’accomplit dans l’extériorité,
quand elle se tourne vers les créatures, les perçoit en
images.
L’interprétation ontologique de la structure
interne de l’immanence comme l’essence originelle du Logos
demande encore pour s’accomplir :
I – Que l’élaboration de cette structure soit poussée
plus avant. C’est ce qui est fait avec l’interprétation
ontologique du concept de « situation » comme trouvant précisément
son essence dans l’immanence en tant que celle-ci se laisse ultimement
saisir comme l’essence de la non-liberté. (§
41 Immanence et situation absolue).
La détermination ontologique, à partir de l’essence
de l’immanence, du concept de situation rend manifeste l’insuffisance
foncière de l’analyse de ce concept dans la philosophie de
la transcendance et dans l’existentialisme. Critique de Heidegger.
L’essence de la Nichtigkeit est finalement manquée par Heidegger
car sa signification ontologique ultime devait conduire au concept radical
de l’immanence (§ 42 La détermination
ontologique de la situation comme immanence et l’ambiguïté
foncière de la Nichtigkeit).
La tentative de fonder le concept de situation sur la temporalité
échoue également en raison de l’hétérogénéité
radicale de leurs structures ontologiques originelles (§
43 Situation et temporalité. L’hétérogénéité
de leurs structures et son interprétation par la philosophie de
la transcendance : l’idée de contingence et la chute du
Dasein)
Critique de l’existentialisme français : Sartre et Merleau-Ponty
(§ 44 Le concept de situation dans l’existentialisme.
La faillite de l’ontologie et le réalisme : « nature
et liberté »).
II – Que deviennent intelligibles les raisons pour lesquelles
l’essence originelle du Logos n’a jamais été
comprise, pour lesquelles se dissimule, en d’autres termes, la révélation
elle-même dans l’effectivité de son accomplissement
originaire. Cette dissimulation de l’essence de la révélation
n’est pas due au hasard mais s’enracine dans la structure
même de l’essence, en tant que celle-ci, comme immanence,
ne s’en va pas hors de soi dans l’extériorité
et ne se montre pas en elle comme cette extériorité même
et comme la phénoménalité qui lui appartient. Pareille
dissimulation de l’essence fonde l’oubli dans lequel elle
est tombée. Mais parce que l’essence est la révélation
elle-même dans son effectivité originelle, parce qu’elle
est l’essence de la vie, l’oubli dans lequel se tient la pensée
à son égard a une signification positive. « L’obscurité
» de l’essence, l’interprétation du fondement
comme ce qui se cache, l’idée par exemple, que « la
conscience oublie ses propres phénomènes » attestent,
au sein même des philosophies qui rejettent le concept de l’immanence
ou l’altèrent, la prééminence de celle-ci dans
l’élément ontologique formel de la phénoménalité
pure. (§ 45 : La dissimulation de l’essence originaire
de la révélation et son oubli).
Il y a ainsi, dans la philosophie classique comme dans l’ontologie
contemporaine, un pressentiment de l’immanence et de sa signification
fondamentale, pressentiment qui se fait jour dans « la critique
de la connaissance », c’est-à-dire dans l’idée
que la pensée de l’extériorité manque l’essentiel.
Cette idée constitue notamment l’intuition fondamentale de
la religion sous toutes ses formes, y compris celle qu’elle revêt
dans l’athéisme. (§ 46 La critique de la
connaissance. L’essence de la religion)
Mais elle est présente au sein même du rationalisme qui
en laisse échapper toutefois la signification ontologique. Critique
de la philosophie de Jaspers (§ 47 La critique de la
connaissance à l’intérieur du rationalisme),
Sauf chez Malebranche où des indications décisives –
l’affirmation que l’âme n’est pas connue par «
idée » et qu’il existe par conséquent un mode
de manifestation autre que la spatialité transcendantale du monde
pur, que « l’étendue intelligible » - restent
malheureusement sans conséquence en raison de la persistance des
préjugés du rationalisme classique et plus généralement
du monisme ontologique (§ 48 Signification ontologique
de la critique du rationalisme).
La critique du rationalisme vaut cependant sa signification ontologique
plénière chez Eckhart où le rejet de la connaissance
ouvre la voie, non à un irrationalisme du chaos comme chez Jaspers,
mais à l’absolu lui-même dans son être identique
à celui du Logos ( § 49 La signification
ontologique de la critique de la connaissance chez Eckhart).
III Que soit montré sans équivoque
ce qui constitue, au sein même de l’acte par lequel elle se
dissimule, le contenu phénoménologique positif, l’effectivité
de la révélation originelle. Cette révélation
dont la phénoménalité n’est pas celle du monde
ni de son horizon réside dans son « invisible ». L’invisible
n’est pas seulement révélation en lui-même de
part en part, il définit justement la nature de cette révélation,
ouvre la dimension ontologique originelle qui est celle de la vie
( § 50 Le non-visage de l’essence).
Parce qu’il a une signification ontologique positive, le concept
de l’invisible n’est ni la simple négation du visible,
ni son degré limite – critique de Kant et de Husserl- , ni
son anti-essence fondamentale au sens de Heidegger et de son concept de
la non-vérité ( § 51 Visible et invisible).
Suite
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