L’essence
de la manifestation - 1ère ed. P.U.F.(1963)
PREFACE
INTRODUCTION : Le problème
de l’ego et les présuppositions fondamentales de l’ontologie
I - ELUCIDATION DU CONCEPT
DE PHENOMENE : LE MONISME ONTOLOGIQUE
II - TRANSCENDANCE ET IMMANENCE
III - LA STRUCTURE INTERNE
DE L’IMMANENCE ET LE PROBLEME DE SA DETERMINATION PHENOMENOLOGIQUE
: L’INVISIBLE
IV- INTERPRETATION ONTOLOGIQUE
FONDAMENTALE DE L’ESSENCE ORIGINAIRE DE LA REVELATION COMMME
AFFECTIVITE
INDEX
Entrepris en 1946 avec
pour but la constitution d’« une phénoménologie
de l’ego », intitulé ensuite « L’essence
de la révélation », puis « de la
manifestation », achevé en janvier 1961, publié
début 1963, vu les délais alors exigés par
la soutenance de deux thèses éditées, cet
essai majeur répond à la question que M.H. s’était
posée quand il a décidé d’être
philosophe : « Je voulais savoir qui j’étais
». Les circonstances extérieures – interruption
de ses études pour son engagement dans la Résistance
– l’ont mis sur la voie de sa réponse en avivant
son sentiment de soi. Sa vie d’alors, danger, risque constant
de délation mais aussi générosité
de ceux qui le cachaient lui avait fait comprendre qu’il
n’est de relation que secrète et d’homme à
homme et que « le salut de l’individu ne peut lui
venir du monde » (cf. Entretien de M.H. avec R. Vaschalde
in M.H., l’épreuve de la vie, Actes du colloque
de Cerisy, Le Cerf 2000).
D’autre part, pendant ses mois de clandestinité à
Lyon, il avait été marqué par sa lecture
de Maître Eckhart, de Kafka, de Kierkegaard, dont les vues
sur l’existence avaient pour contre-exemple La critique
de la raison pure, le seul ouvrage qu’à son
départ pour le maquis du Haut Jura il avait pu emporter
dans son sac à dos et dont il avait pu mesurer le caractère
spéculatif qui laisse brillamment de côté
les vrais problèmes de l’existence. C’est après
1945 que s’est effectuée sa réflexion sur
Maine de Biran qui l’a orienté vers l’immanence
en même temps qu’il découvrait, a-t-il dit,
« des philosophies alors portées sur le devant de
la scène par le succès de L’être
et le néant (1943), Hegel, Heidegger et surtout Husserl
» – ces deux derniers non encore traduits - , Husserl
dont il a reconnu que sa méthode phénoménologique
l’a aidé à définir le cadre de son
travail, même s’il l’a infléchie dans
un tout autre sens, initiative consacrée, après
des années d’investigation, par L’essence
de la manifestation qui traite le problème de l’ego
dans sa relation avec l’essence de ce qu’il appelle
déjà « la vie ».
Ce renversement capital à l’intérieur d’une
branche alors neuve de la spéculation mais qui met également
en question toute la philosophie antérieure exigeait de
repenser la quasi-totalité de l’œuvre de ses
prédécesseurs. Conscient d’aller à
contre-courant mais aussi par respect d’une éthique
intellectuelle, il a donc exposé son refus d’une
philosophie de la transcendance à partir des grands systèmes
qui lui ont servi d’antithèses – « les
savoirs sont liés », disait-il – en exhibant
leurs failles : oubli de l’ipséité du sujet
, quand ce n’est pas de l’ego lui-même ; construction
d’édifices sans sol où la réalité
humaine n’est pensée que dans le vide abstrait de
l’opposition du sujet à l’objet ; prise en
compte abusive du pouvoir de la raison comme faculté de
l’universel ; exigence d’une manifestation dans la
lumière du dehors etc. Cette traversée de l’histoire
de la philosophie dégage pour la rejeter la continuité
inaperçue d’une tradition d’abstraction jamais
contestée, dans l’idéalisme en particulier,
aussi bien que dans le courant contemporain issu de Heidegger
(Sartre, Merleau-Ponty).
En notre époque où la philosophie s’est souvent
coupée de la réalité pour se griser d’acrobaties,
il importe de souligner l’originalité et le sérieux
d’une réflexion passionnée qui s’est
constamment confrontée à l’épreuve
du soi : phénoménologie de l’immanence, édifiée
dans le souci de sauvegarder le sujet au lieu de livrer son essence
à l’extériorité du monde. Ses principes
ont fourni leur armature à ses essais ultérieurs
qui dénoncent les errements de l’époque contemporaine
- méconnaissance du travail vivant et des valeurs individuelles,
dictature des savoirs objectifs et de ce qu’ils engendrent
etc. – mais aussi à ceux qui traitent de la positivité
de la vie : réflexion sur l’art, la communauté
humaine, l’éthique et surtout la reconduction de
l’ontologie à sa source véritable dans ses
trois derniers ouvrages.
C’est ainsi qu’il a « renouvelé de fond
en comble l’idée même de phénoménologie
», comme l’a écrit un critique.
Son essai Philosophie et phénoménologie
du corps, dont le texte était achevé dès
194, devant être présenté comme thèse
secondaire indépendante, M.H. n’a pas explicitement
désigné l’endroit où ses analyses devaient
rejoindre celles de L’Essence de la Manifestation.
Mais la lecture de ce premier travail avant celle du second est
conseillée au lecteur : elle éclaire les intentions
de la démarche critique et surtout confère un caractère
concret à la relation qu’il institue entre transcendance
et immanence ainsi qu’aux attributs de celle-ci, immédiateté,
passivité, autonomie, non-liberté etc.
Cette philosophie de l’immanence exigeait un vocabulaire nouveau.
M.H. n’a pas caché la difficulté de ses choix.
De cette émancipation, créatrice d’un autre
type d’écriture, la phénoménologie antérieure
avait donné l’exemple. Combattant les abstractions
de la philosophie de la conscience comme celles de l’être,
il se devait de respecter leur lexique mais aussi de maintenir pour
l’ensemble du livre le même niveau technique. La parution
prochaine d’un Vocabulaire de M.H. par J.F. Lavigne
aidera les débutants.
Le descriptif rapide par M.H. de l’introduction
et des sections I à III de son livre ayant été
retrouvé, il est reproduit ici en italiques. Il est éventuellement
complété en caractères ordinaires par des notations
destinées à faciliter l’accès à
l’index nominal et thématique qui suivra.
INTRODUCTION : Le problème
de l’ego et les présuppositions fondamentales de l’ontologie
L’introduction montre comment la prétention
de trouver dans l’ego cogito un fondement absolu, «
un commencement radical » tombe sous la critique. Car l’être
de l’ego ne paraît « certain », «
absolu », et par suite rationnellement fondé qu’en
tant qu’il se donne dans une intuition, plus précisément
dans une évidence apodictique. Comme tel, l’ego trouve
la condition de son être dans l’intuition, laquelle
présuppose à son tour l’ouverture d’un
« horizon » à l’intérieur duquel
elle s’accomplit toujours. Cet horizon , l’horizon transcendantal
du « monde » compris non comme la somme des étants
mais dans sa « mondanité pure » est donc le vrai
fondement, il est l’être universel qui est présupposé
par le cogito comme par tout ce qui est en général.
Ainsi l’introduction retrace-t-elle, en le répétant
à l’intérieur de ces analyses propres, le dépassement
qui est historiquement celui de Husserl par Heidegger. Mais la conception
heideggérienne de l’être sera mise en question
dans l’ensemble de ce travail, lequel veut précisément
montrer le caractère unilatéral de cette conception
et comment celle-ci laisse en fait échapper la « réalité
», l’essence originelle de la révélation.
(Dès ce début, M.H. met en œuvre sa méthode,
investir la position de ses prédécesseurs, y compris
ceux de la « phénoménologie de la raison »,
jouer leur jeu afin d’en détecter les failles. Il adopte
donc leur terminologie, horizon, transcendance, néant, conception
de l’être etc., jusqu’à ce qu’il
la défasse et montre ainsi que ces catégories rendent
impossible une définition correcte de l’être
de l’ego et de son inclusion dans la problématique
de l’être en général).
M.H. a pris pour point de départ le reproche
fait à Descartes par Heidegger : « Avec le cogito
sum Descartes prétend donner à la philosophie
une base nouvelle et sûre. Mais ce qu’il laisse indéterminé
dans ce commencement radical, c’est le mode d’être
de la res cogitans, plus exactement le sens de l’être
du sum ». Et pourtant le statut de cette réalité
essentielle n’a guère fait l’objet de la recherche
phénoménologique comme la suite le prouvera.
§ 1 – L’idée d’une
évidence apodictique comme voie d’accès privilégié
à l’ego (concerne Descartes)
§ 2 – Nécessité de l’édification
préalable d’une ontologie phénoménologique
universelle (id.)
§ 3 – Le dépassement de l’intuitionnisme
et la libération de l’horizon phénoménologique
universel.
§ 4 Insertion de l’ego cogito et de sa problématique
à l’intérieur de l’horizon libéré
par l’ontologie phénoménologique universelle.
(concerne Hegel)
§ 5 Le problème de l’insertion de l’ego
cogito à l’intérieur de l’horizon phénoménologique
universel : « l’être » de l’ego absolu.
(concerne Husserl)
§ 6 – Les difficultés relatives à
l’édification de l’ontologie phénoménologique
universelle (concerne Heidegger)
§ 7 – La problématique concernant l’être
de l’ego interprétée comme une problématique
originaire et fondamentale
Il s’agit du programme de la recherche de M.H. et de son renversement,
condensé ici en ses propres termes :
La transcendance n’est pas la condition de l’être
de l’ego. Si l’ego réalise la condition de possibilité
de tout phénomène, ce qu’avait deviné
Descartes, le mode selon lequel il devient un phénomène
est si fondamental qu’il ne peut être lui-même
soumis à aucune condition, aucune exigence dite rationnelle
c’est-à-dire limitée parce que reposant sur
l’intuition. L’être de l’ego est vérité
originaire. Il est la réalisation de l’essence –
non identifiable à une existence particulière mais
à signification universelle.
Mais l’être ne doit-il pas se montrer, répondre
au comment de sa manifestation ? La question du fondement serait-elle
liée à la possibilité pour l’être
de devenir phénomène ? Ne peut-on concevoir un fondement
qui se dissimule dans l’acte même par
lequel il ouvrirait un horizon de lumière, révélant
sa structure antinomique en tant que fondement ? Or l’essence,
dit M.H., réelle en tant qu’elle fonde la vérité,
n’est point elle-même vérité mais non-vérité
plus originelle – à laquelle le phénomène
renvoie toujours en tant qu’il brille sur le fond d’une
relation obscure. L’ontologie est possible sur une base phénoménologique.
Toutefois une connaissance absolue est impossible.
- La révélation ne doit rien à la transcendance,
c’est-à-dire que le mode de révélation
du phénomène est irréductible au comment de
la manifestation des phénomènes transcendants.
- La révélation originaire a une signification «
matérielle », étant à elle-même
son propre contenu, le comment de cette révélation
est son être concret, c’est l’ego.
- le fondement est ce qui permet à un être de se manifester.
Ce fondement est immanent, toute manifestation, œuvre ou produit
de la transcendance, renvoie à un mode de manifestation plus
originaire : la transcendance repose sur l’immanence.
Celle-ci est la condition ontologique de possibilité
de tous les phénomènes transcendants qu’elle
fonde en tant qu’elle est l’origine de la transcendance.
- l’immanence est toutefois un phénomène, en
tant que révélation présente. Mais cette présence
originaire qui est l’ego n’est ni soumise à un
horizon de présence, ni horizon de présence : la voie
d’accès au fondement n’est autre que le fondement
lui-même. La vie est ce qui se manifeste dans cette identité
de sa réalité et d’un « parvenir »
à cette réalité.
- point capital : « une révélation immanente
est une expérience interne, elle revêt nécessairement
une forme monadique. C’est dans la structure eidétique
de la vérité originaire que s’enracine l’ipséité
de l’ego ». L’existence ignore donc tout
contexte ou support extérieur. Elle ne doit rien à
la transcendance, elle la précède.
La connexion qui unit l’ontologie et la phénoménologie
sera fixée quand le sera le concept de phénomène
– c’est-à-dire hors de la lumière de la
transcendance telle que la conçoit la phénoménologie
antérieure. Car l’ego ne se manifeste pas dans le milieu
de l’être transcendant, dans le temps. La méthode
phénoménologique ne se réduit pas à
un processus d’élucidation. Sa tâche est de savoir
à quel mode de traitement phénoménologique
soumettre le fondement, c'est-à-dire quel est le rapport
de la philosophie et de la vie. D’où la nécessité
de :
- dépasser l’intuitionnisme et refuser une problématique
de l’objet
- conférer à l’ontologie une nouvelle dimension,
avec l’invisible, mode de révélation
positive
- poser le problème de la connaissance de soi sur une base
correcte, c’est-à-dire exclure d’en faire un
cas particulier du rapport transcendantal de l’être
au monde. La connaissance de soi n’est pas un rapport.
[Les dernières lignes p. 58 exigent un
éclaircissement : quand M.H. évoque le caractère
« subjectif » de l’existence, il pense aux modalités
dégagées dans sa phénoménologie du corps.
Il faut d’autre part ôter toute ambiguïté
au terme de « vie intérieure », qui désigne
l’expérience interne en chacun de l’immanence,
développée plus loin]
I
- ELUCIDATION DU CONCEPT DE PHENOMENE : LE MONISME ONTOLOGIQUE
Par monisme ontologique, M.H. dénonce une
conception de l’être qui dans son unité recèlerait
une opposition interne, distance qui lui permettrait d’accéder
à sa propre connaissance, alors que dans ce rapport, qu’il
soit posé comme être-étant ou conscience-objet,
le premier terme s’épuise dans sa relation avec le
second. Ce présupposé, enraciné dans la philosophie
et jamais mis en question depuis son origine, fait manquer en réalité
l’essence de la manifestation.
Cette section I définit d’abord
la tâche de la phénoménologie.
§8 L’élucidation de l’essence du
phénomène, tâche centrale de la phénoménologie.
Ce qui rend possible des phénomènes, ce qui fonde
la conception de la présence pour nous de ce qui apparaît,
c’est l’acte même d’apparaître, l’essence
du phénomène et de la présence en tant que
telle. La phénoménologie comprise dans sa signification
fondamentale se confond avec l’ontologie universelle, elle
est l’élucidation de l’essence du phénomène,
son objet est le mode de manifestation de ce qui se manifeste, la
manifestation pure comme telle.
Il est rappelé que la phénoménologie, en tant
que science de l’être, doit dépasser la limitation
de l’apparaître comme visibilité pure, la présence
révélée par le « comment » du phénomène
pouvant se comprendre autrement que dans cette dimension. Question
contournée par la réflexion qui a ratifié les
présuppositions erronées de la spéculation
antérieure, au détriment notamment du statut de l’ego.
Le § 9, La détermination unilatérale
de l’essence du phénomène et le concept de «
distance phénoménologique », montre
comment une certaine conception de l’essence de la phénoménalité
domine depuis la Grèce jusqu’à Heidegger
l’ensemble du développement de la philosophie. Cette
conception réside dans la présupposition selon laquelle
la manifestation n’est possible que par l’ouverture
d’une distance ou « distance phénoménologique
», laquelle a une signification transcendantale, non spatiale
: l’être n’est un phénomène que
s’il est à distance de soi.
Dans ce § et ceux qui suivent M.H. met à nu ce processus
qui passant par Boehme, Kant et tout l’idéalisme allemand
est responsable des errements ontologiques. Ce déploiement
de la distance, nommé ensuite horizon est le fait de la transcendance
qui ouvrirait ainsi la dimension ontologique de l’existence
– c’est-à-dire que Heidegger pense, dans sa vérité
ontologique, il est vrai, la même chose que Gassendi objectant
à Descartes que l’œil a besoin d’un miroir
pour se voir lui-même.
Le § 10, La distance phénoménologique
et le dédoublement de l’être : présence
et aliénation, développe cette conception
et se réfère notamment à Fichte qui définit
explicitement l’existence, c’est-à-dire la manifestation
pure comme une « image » ou une « représentation
» de l’être et la comprend ainsi à partir
de l’extériorité de l’être par rapport
à soi. Il n’y a de manifestation que dans l’aliénation.
Analyse magistrale de Fichte qui réalise exemplairement les
présuppositions du monisme avec ses conséquences,
écartèlement et frustration.
Le § 11, Le monisme ontologique et le problème
de son dépassement. Philosophie de la conscience et philosophie
de l’être, définit comme «
monisme ontologique » cette conception de l’essence
de la manifestation et pose la question de savoir si la philosophie
y a jamais échappé. Il y est répondu négativement
en montrant que la philosophie de la conscience partage les présuppositions
ontologiques fondamentales qui furent ultérieurement portées
à la clarté du concept par Heidegger.
Ce chapitre important, où se trouvent à propos du
dédoublement de l’être qui veut se voir lui-même
des analyses de Boehme, Fichte, Schelling, Hegel, Sartre, qui ont
assuré la promotion de la représentation, démontre
que le dépassement de la phénoménologie n’a
abouti qu’à une détermination insurmontable
du cadre, du sens et de la nature de notre rapport à l’être.
Et cela au prix d’une dégradation du sujet. M.H. décrit
ainsi ce trajet : la détermination de l’essence de
la conscience commence avec la conception d’un sujet de la
connaissance, se poursuit avec l’interprétation de
l’être du sujet comme rapport à l’objet.
La conscience est dès lors comprise à la lumière
du concept central d’intentionnalité, elle n’est
rien d’autre que ce dépassement, cesse d’être
l’attribut de l’être substantiel du sujet. Et
son être s’identifie au processus ontologique de la
réalité. « La vérité qui constitue
notre intériorité même n’est que la lumière
absolue de l’extériorité. La subjectivité
humaine est la transcendance du monde [ ] L’existence des
hommes est l’existence des choses », ironise M.H.
L’affaire est avérée par Hegel, Sartre, Merleau-Ponty,
pour lesquels l’existence est spatiale, tournée vers
le dehors. Tout cela était déjà en préparation
chez Kant et a été repris par les post kantiens, pourtant
fort embarrassés dès qu’ils ont voulu fonder
une éthique et parler d’un sujet libre.
. Le § 12 La critique de la philosophie de la conscience
montre que la critique dirigée par Heidegger contre la
philosophie classique de la conscience ne vise pas la conception
de la structure de la phénoménalité pure comme
telle mais l’insertion absurde de son essence dans un étant
indûment privilégié : sujet, subjectivité,
homme etc.
§ 13, L’ambiguïté du Dasein. Essence
et détermination Chez Heidegger lui-même,
toutefois, le Dasein, c’est-à-dire l’essence
pure de la présence, n’est-il pas traité aussi
comme un étant ? La raison de cette ambiguïté
ne doit-elle pas être cherchée dans le lien de l’être
et de l’étant, dans le fait que c’est l’étant
lui-même qui se phénoménalise tandis que l’essence
pure de la phénoménalité ne se montre pas,
pas autrement du moins que sur l’étant en ce qu’il
se manifeste ?
Pour établir que chez Heidegger l’ontologie devient
interrogation sur l’étant et que la manifestation se
réduit à celle de l’étant, le §
insiste sur le rôle de la transcendance, acte de déploiement
de l’horizon, dépassement grâce auquel l’étant
trouverait son être et l’essence son séjour qui
est celui de l’existant. L’unité de l’être
et du néant venant de leur opposition, c’est sur le
fond du néant de l’être que l’étant
est. Nié par la distance, il apparaît comme un phénomène,
c’est en lui que s’accomplirait l’avènement
ontologique. Or dans ce dépassement de l’étant,
la transcendance se lie à l’étant, elle a besoin
de lui pour obtenir sa concrétion. En tant qu’essence
de la détermination ontique, elle est donc finie, sa réceptivité
lui confère sa finitude essentielle. Dans ces conditions,
l’être n’est que l’être de l’étant,
aspect qui sera exagéré par Sartre.
§14 Le rapport de l’essence et de la détermination
ontique dans la philosophie de la conscience N’en
est-il pas de même dans la philosophie de la conscience où
il apparaît que « l’objet seul est connu »,
tandis que la conscience pure demeure en elle-même inconsciente
? Analyse des philosophies de Boehme et de Schelling.
Le concept d’inconscience est également analysé
ici à partir de Hegel et de Fichte, M.H. concluant, «
L’apparaître de la conscience dans l’objectivation
est son propre disparaître [ ] L’absolu est rejeté
dans un arrière monde, la philosophie de la conscience se
transforme inutilement en philosophie du devenir »
§ 15 La signification ontologique de la problématique
qui vise l’essence et le concept originaire de la finitude
L’absurdité ontologique de ces thèses
réside dans le fait que l’étant ne peut être
ce sur quoi l’essence pure de la manifestation devient visible
à elle-même que s’il est d’abord là,
et qu’il ne peut précisément être là,
c’est-à-dire apparaître, que si l’acte
d’apparaître considéré en lui-même
a d’ores et déjà accompli son œuvre.
La philosophie de l’être a eu toutefois le mérite
de mettre à jour la signification ontologique du processus
: ce qui surgirait en avant plan de lumière, grâce
à la médiation de l’essence de l’opposition,
c’est l’horizon transcendantal de l’être
– car c’est le néant, non l’étant,
qui réalise dans cette philosophie le devenir effectif de
la phénoménalité. La transcendance ne s’objecte
pas l’étant mais sa place qui est finie. La finitude
de la transcendance vient de ce qu’elle est réceptrice,
liée à ce qu’elle reçoit et forme, le
surgissement du monde comme tel.
§ 16 L’idée de la structure formelle de
l’autonomie de l’essence et la tâche d’une
répétition de l’élucidation ontologique
du concept de phénomène.
L’indépendance de la manifestation pure à
l’égard de l’étant pose le problème
de l’autonomie de l’essence de la manifestation. L’examen
de ce problème met en question les présuppositions
ontologiques fondamentales du monisme ontologique et amène
la problématique devant l’essence originelle de la
révélation.
Suite